RAPPEL : Les cycles de conférences ont lieu aux Archives de Paris, 18 boulevard Sérurier, 75019 Paris
(M° et Tram Porte des Lilas, bus 61, 64, 69, 96), le mardi à 15h30 (sauf exception).
Anne JUSSEAUME, université d'Artois, CREHS, IUF
Soigner les pauvres de Paris au xixe siècle. Des vocations féminines
Au xixe siècle, les sœurs hospitalières sont au cœur du système de soin parisien et la « sœur de la charité » est une figure archétypale de la société française dont la cornette est la synecdoque. Cette conférence propose de dévoiler l'identité et les activités sociales de ces femmes qui font doublement « silence » par leur sexe et leur état religieux, et d'analyser leur rôle auprès des pauvres de la capitale tout au long du xixe siècle. Paris accueille ainsi nombre de congrégations soignantes et de jeunes femmes au désir de vie religieuse et de service. Cet engagement religieux leur ouvre des voies pour s’affirmer hors de la famille, dans l’espace public et le monde du travail. Infirmières ou pharmaciennes, responsables de services d’hôpitaux et d’hospices, ou garde-malades à domicile, ces sœurs sont présentes dans le quotidien des Parisiens, dans les établissements hospitaliers, les quartiers et les maisons, accompagnant l'extension de la capitale. Elles sont les chevilles ouvrières du système public de santé dont elles accompagnent la médicalisation, collaborant avec les médecins, diffusant les normes d’hygiène auprès des classes populaires. Dans une société confrontée à une nouvelle pauvreté massive, dont la visibilité a explosé aux yeux des contemporains au début des années 1830 sous le double effet de la Révolution de Juillet et du choléra, et alors que l’Église catholique s’inquiète de la déchristianisation populaire, les sœurs soignantes répondent aux attentes sociales et sanitaires, religieuses et morales de leur temps. La laïcisation hospitalière, menée tambour battant à Paris sous la Troisième République, ne signale pour autant pas leur départ de la capitale, où demeure un concordat charitable.
Crédit photo © Alienor.org, Musées de la Communauté d'Agglomération du Niortais
Jean-François BELHOSTE, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études
La consommation du fromage à Paris du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle
Les fromages ont été inventés pour conserver le lait et en permettre la consommation différée. Aliment succulent, fournissant aussi, à dose raisonnable, le calcium et les matières grasses nécessaires à l’organisme humain, sa dégustation a connu une lente progression à Paris au cours des siècles. Au xviie siècle, on y mangeait surtout des pâtes dures salées -fromages de Hollande, de Suisse mais aussi d’Auvergne - aptes à voyager et à se garder plusieurs mois. Quelques pâtes molles s’y ajoutaient venues de plus près, le Neufchâtel et surtout le Brie, le fromage du corbeau de La Fontaine. Puis l’arrivée du chemin de fer en même temps qu’elle permit l’accroissement notable de sa consommation, transforma radicalement la carte de l’approvisionnement. On vit déferler sur Paris un nombre croissant de fromages, à commencer par les fromages venus du Pays d’Auge, les traditionnels Livarot et Pont-L’Évêque ainsi qu’un nouveau venu, le Camembert, qui tous étaient désormais emballés dans des boîtes en bois de peuplier revêtues d’étiquettes. Mais on y vit arriver aussi d’autres pâtes molles tout aussi appétissantes, telles l’Epoisse ou le Maroille, sans compter les fromages venus de Franche‑Comté comme le Mont-D’or ou de Savoie comme le reblochon. S’ajoutèrent les fromages frais double crème tels les petits-suisses de Charles Gervais expédiés à grande vitesse par la ligne Dieppe-Paris et son embranchement vers le Pays de Bray. C’est alors qu’apparut sur les menus, entre plat de résistance et dessert, l’indispensable plateau, présenté d’abord sur les tables des grands restaurants et des paquebots, mais aussi sur toutes les bonnes tables parisiennes qui désormais s’approvisionnaient chez quelques marchands fromagers célèbres comme Androuet ou Barthélémy.
Crédit photo CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris
Geoffrey PHELIPPOT, docteur en histoire, option histoire des sciences, de l’EHESS-CAK et chercheur post-doctoral en histoire de l’art du XVIIe siècle à l’Université de Paris Nanterre
La Sphère royale et le Paris des cartographes sous le règne de Louis XIV
La Sphère royale est l’atelier et la boutique du géographe du Dauphin et du roi d’Espagne Nicolas de Fer (1647-1720), l’une des figures majeures du milieu de la cartographie sous le règne de Louis XIV. Elle est autant un lieu de savoir dans lequel s’élaborent et se vendent plusieurs centaines de cartes, qu’une entreprise collective par laquelle Nicolas de Fer collabore avec de nombreuses professions, comme les graveurs. La Sphère royale est située au cœur de ce que l’historiographie désigne aujourd’hui comme le « quartier des géographes » sur le quai de l’Horloge à Paris. L’expression, inaugurée par l’historienne américaine Mary Sponberg Pedley, rend compte de la concentration urbaine des ateliers cartographiques parisiens sur l’île de la Cité. Elle a pourtant tendance à survaloriser le poids des ateliers et des boutiques tenus par des géographes et à négliger les dynamiques spatiales des autres professions engagées dans la production matérielle de cartes. À partir de l’analyse de la Sphère royale, la conférence propose une nouvelle lecture des espaces de production de cartes à Paris, non plus seulement centrée sur les géographes, mais plus largement sur la pluralité des métiers de la géographie.
Marlène HELIAS-BARON, ingénieure de recherche CNRS-IRHT (UFR 841)
Saint-Antoine-des-Champs et la gestion de ses biens au temps de la domination anglaise (1422-1435)
Fondée à la fin du XIIe siècle par Foulques de Neuilly à l’extérieur des murailles de la capitale sur une voie de communication majeure entre Paris et Vincennes, Saint-Antoine-des-Champs était peut-être à l’origine un hôpital suburbain. Elle est devenue cistercienne au début du XIIIe siècle. Après un premier siècle d’existence prospère dont témoigne l’importance de son chartrier, elle est solidement implantée à Paris et en Île-de-France au XIVe et au XVe siècle. L’ampleur de leurs archives et de leur patrimoine a poussé les moniales à rédiger un premier cartulaire vers 1310 pour leurs possessions parisiennes, puis un second recueil pour les domaines extra muros, ainsi que de nombreux censiers concernant aussi Paris, que des communes franciliennes, dont Noisy-le-Sec. Pour cette commune, nous disposons encore d’une série de dix-huit documents consignant près de 140 listes de cens, de coutumes et de dîmes produites entre 1358 et 1641. Parmi elles, vingt-six concernent plus particulièrement la période 1422-1435, moment où les Anglais occupaient Paris. À travers ces documents, il s’agira de mesurer l’impact de l’occupation anglaise sur la gestion d’un patrimoine monastique péri-urbain.
Églantine PASQUIER, docteure en histoire de l’architecture (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), diplômée de troisième cycle de l’École du Louvre, chargée d’études à la Manufacture du Patrimoine
John D. Rockefeller jr., mécène de Versailles
Pendant l’entre-deux-guerres, le philanthrope américain John D. Rockefeller Jr. fait deux généreuses donations qui vont permettre de sauver le domaine de Versailles de la ruine. Bien que cet acte ait été déterminant pour la préservation du château, il demeure largement méconnu du grand public. Dans les pas de Rockefeller et de son fidèle architecte, Welles Bosworth, cette conférence proposera de revenir sur les circonstances ayant conduit à ces donations, le déroulement de ce chantier exceptionnel, ainsi que son inauguration en 1936 pour offrir un éclairage historique sur les mécanismes de la philanthropie en faveur du patrimoine, à l’heure où elle est plus que jamais d’actualité.